maison by Inconnu(e)

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Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-11-27T18:54:42+00:00


VIII

DANS la venelle des Sept Filles, les gens s’ingéniaient à prédire le jour et même l’heure où surviendra la catastrophe. Ces voisins venimeux, toujours à l’affût d’un malheur survenu à autrui, vivaient dans l’attente de cet effondrement spectaculaire et ne s’occupaient plus d’autre chose. Ils envoyaient les enfants sur les lieux se rendre compte, n’osant pas, ces invertis, se déranger eux-mêmes. Il y avait toujours, il est vrai, quelques commères hagardes et pleurnicheuses qui plaignaient les futures victimes et les enviaient presque pour ce malheur définitif et grandiose. Quant aux locataires, eux, après le coup de l’ingénieur, ils n’attendaient plus aucune aide de ce chien de Si Khalil et tâchaient de trouver par eux-mêmes quelque solution satisfaisante. A aucun moment, il ne s’agissait pour eux de déménager. Car, outre les frais qu’occasionnerait un déménagement intempestif et les multiples difficultés résultant de la recherche d’un taudis, il y avait encore tous les loyers arriérés qu’il eût fallu régler. Si Khalil, ce dominateur perfide, avait bien compté là-dessus.

Au beau milieu de cet étranglement collectif, Rachwan Kassem, lui, avait eu une idée, une idée assez hasardeuse et qui risquait d’amener des complications bouleversantes. Ce réparateur de réchauds à pétrole voulait qu’on mît l’affaire entre les mains des autorités. Il croyait cela très ingénieux et prenait déjà des airs d’inventeur. Seulement, Abdel Al, lui, haïssait les autorités, et il fut soutenu dans sa haine par Bayoumi, que les accusations de Si Khalil au sujet de ses bêtes rendaient prudent. Celui-là se disait qu’avec la police, on n’était jamais sûr de rien et qu’elle serait capable de croire Si Khalil qui, après tout, était un propriétaire. Mais les femmes voulaient à tout prix provoquer un scandale et la pensée des gendarmes envahissant la maison leur faisait venir l’écume aux lèvres. Enfin, après les habituelles élucubratons stériles qui précèdent toute décision, on résolut de ne pas alerter les autorités de vive voix, mais par un moyen détourné, c’est-à-dire en écrivant une lettre au gouvernement. Cela fît naître la question de savoir qui écrirait la lettre.

Alors Abdel Al s’adressa à Rachwan Kassem en ces termes :

— Allons, Kassem, mon frère, montre-nous tes capacités. Ecris-nous la lettre.

Mais Rachwan Kassem le prit de haut et déclara :

— Je ne suis pas un écrivain public, mais un ouvrier mécanicien. Allez trouver quelque pauvre effendi pour vous rédiger cette lettre. Me prenez-vous pour un de ces types-là ? Vous ne m’avez pas bien regardé, ô gens.

Abdel Al resta blême et répondit d’un ton froid :

— Excuse-moi, je te prenais pour un homme, mais il s’avère que tu n’es qu’une merde.

— Je n’ai jamais prétendu être un écrivain, reprit Rachwan Kassem. Je suis un ouvrier mécanicien et je peux même réparer une locomotive. Si tu en as une, apporte-la-moi et je te la réparerai. Mais quant à rédiger des lettres, ce n’est pas le métier d’un homme comme moi.

— Je n’ai pas de locomotive à t’apporter, avoua Abdel Al. Mais si j’en avais une, tu peux être sûr que je l’aurais prévenue contre toi, pour qu’elle t’écrase.



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